Depuis quelques années, nous assistons à ce que Jean-Pierre Gayerie (1) appelle “Le grand chamboulement des politiques d’accueil”, qui se traduit par “l’étrange mise au régime sec de la petite enfance”. On se demande où sont passés les enfants dans la réflexion actuelle des décideurs et des gestionnaires ?
L’inégalité des traitements suivant les territoires, la mise en place d’une politique « marchande » où le souci de rentabilité prédomine, la recherche de solutions au moindre coût en déprofessionalisant abusivement sont des initiatives inacceptables dans un domaine où seul le souci du bien-être de l’enfant compte.
Le choix du titre de ce rapport « L’enfant dans la vie » définissait l’intention de considérer l’enfant dans sa globalité, de ne pas le réduire à une préoccupation sanitaire ou hygiéniste. L’appréhender comme un être « sujet » en le resituant dans les relations qu’il noue avec son environnement, avec son habitat, avec les médias, avec les transports, avec la consommation, dans les possibilités d’expression et d’acquisitions culturelles.
Pour élaborer des propositions cohérentes avec cette volonté, pendant six mois des élus locaux, des professionnels, des experts, des associations, les représentants de vingt ministères se sont réunis et ont réfléchi autour de cette problématique. Il fallait impérativement que chaque administration se sente concernée et inscrive dans sa politique la préoccupation de la place de l’enfant.
Une des priorités était de définir un cadre qui favorise la mise en place d’un dispositif de qualité capable d’accueillir les jeunes enfants dans le respect de leur personne et le souci de leur épanouissement. Cette dynamique a bien fonctionné et a permis des avancées considérables, notamment par :
Le renforcement des structures d’accueil en en développant les capacités (contrats crèche),
La création d’un « service d’accueil de la petite enfance » au niveau de la commune ou du quartier,
L’association de l’accueil à domicile et de l’accueil en équipement, facilitant ainsi l’insertion des Assistantes Maternelles et leur professionnalisation,
La mise en valeur des formules innovantes d’accueil (crèches parentales, associatives),
La participation des parents : conseil de crèche, accès aux locaux,
L’harmonisation et la revalorisation des professions de la petite Enfance en créant des passerelles, en accordant une plus grande place aux éducateurs de jeunes enfants et en soulignant l’importance sociale du travail auprès des petits enfants.
Il semble que ces objectifs soient de moins en moins respectés et que cette prise en compte de l’enfant dans sa transversalité ne soit plus à l’ordre du jour. Revenons à ces principes fondamentaux qui, seuls, permettent une approche globale de l’enfant tout en étant un instrument de justice sociale : pas de bébés à la consigne comme le craint le collectif du même nom mais un véritable accueil dans la tradition de la politique familiale de la France.
(1) Journaliste, formateur et auteur de plusieurs ouvrages sur la petite enfance