Accueil | 30 ans d’expériences | L’accueil des jeunes enfants | Par rapport à la socialisation de l’enfant...

Par rapport à la socialisation de l’enfant...

Pour bien grandir chaque enfant a besoin...

À sa naissance, chaque enfant est accueilli dans la culture de sa famille et de son pays, c’est-à-dire dans une histoire, des valeurs, des traditions, des rites hérités du passé mais également matière d’une culture en perpétuelle évolution.

par Christine Attali-Marot, Enfance et Musique
Cette culture avec ses mémoires, ses enveloppes, ses empreintes, ses canaux de transmission permet l’enracinement de l’enfant dans son terreau d’origine. Elle sert de substrat sur lequel viennent s’articuler les jeux de représentation et s’identification qui structurent son développement affectif et social. Ce sont les parents qui dans notre société occidentale sont les premiers transmetteurs de cette culture à leur enfant, ceux sont eux les premiers éveilleurs et les premiers éducateurs, quelles que soient leurs difficultés économiques et sociales. Pour bien grandir, les enfants ont besoin d’amour et de lait mais également d’un environnement riche en relations et en échanges dans lequel ils peuvent puiser de quoi répondre à leur désir de savoir et laisser s’épanouir cette force interne dont ils sont porteurs, cette force que Winnicott appelle l’impulsion créatrice.

in La Gazette de l’Acepp - n°56 (page 2)


Respect du jeune enfant : son intimité en crèche parentale

Les crèches parentales sont conçues comme étant à la fois des lieux pour les enfants et des lieux pour les adultes. Organisation du temps et de l’espace font que les parents et l’ensemble de l’équipe y laissent une empreinte manifeste. Dans ces conditions, quelle distance d’avec ses parents l’enfant peut-il prendre ?

Propos sur l’intimité du jeune enfant par Cécile Imdtal-Pinelli, responsable technique aux Gardons (Paris 12e)

JPEG - 37.2 ko
Les Gardons - Paris 12e

L’espace de la crèche parentale tel qu’il est aménagé est l’expression de choix pédagogiques et traduit toute une manière de vivre de façon plus ou moins explicite.
Ainsi, chaque lieu est unique, dépendant fortement de ceux qui l’habitent et de leurs objectifs. De par leur présence régulière, et leur implication dans le projet associatif, les adultes s’approprient l’espace, l’investissent affectivement au gré des relations qui se tissent, et ouvrent progressivement les enfants au monde.

L’enfant est-il réellement à l’abri du regard et des jugements de ses parents ?

En effet, le parent reconnu comme premier éducateur de son enfant et s’en donnant les moyens est-il tout-puissant à la crèche ou reconnaît-il à son enfant sa double appartenance : à la famille et à la crèche ?
L’est-il aussi du regard des professionnels à qui il est confié par ses parents ? C’est souvent au nom de leur responsabilité professionnelle qu’ils se permettent de questionner sur ce qui se passe à la maison : il leur est nécessaire de mieux connaître l’enfant pour pouvoir comprendre certains de ses comportements. C’est aussi parce que leur responsabilité est mise en jeu qu’ils n’autorisent pas toujours l’enfant à s’isoler et à échapper à leur regard. En crèche parentale, les échanges entre parents et professionnels autour de l’enfant sont-ils sous-tendus par une volonté de transparence sur ce que vit l’enfant à la crèche ou, au contraire, y-a-t-il dans cette rencontre le souci de ne pas envahir le jardin secret de l’enfant ?

La crèche parentale contribue à créer un environnement propice à l’intimité

En crèche parentale, l’enfant peut faire l’expérience alternativement de la proximité et de la distance, de la continuité et du changement. Il peut y développer à la fois sa “sociabilité” dans le sens où il met en œuvre des réactions d’adaptation au monde environnant et des comportements participant à “l’élaboration de sa personne” (contrôle et affirmation de soi). En élargissant son contexte relationnel, l’enfant est encouragé à intégrer les différentes influences qui s’exercent sur lui et à s’affirmer en tant qu’acteur autonome : il sort de l’espace privé, familial et s’ouvre à un espace public dans le sens où il y rencontre des personnes étrangères à sa famille. Ce passage se fait grâce à la présence rassurante de ses parents sur lesquels l’enfant peut prendre appui et au relais passé auprès des professionnels, reconnus comme compétents, et à qui les parents accordent leur confiance. Ce contexte contribue à créer un environnement sécurisant et chaleureux propice à l’intimité.

D’autre part, la crèche parentale est une petite communauté à l’échelle d’une famille élargie, souvent installée dans des locaux rappelant ceux d’une maison ou d’un appartement. Les usagers en ont conçu l’aménagement et le lieu est habité dans le sens où il est empreint de l’histoire de ses occupants.

Et aussi, les adultes qui s’y côtoient, partagent les mêmes valeurs, ou tout du moins un consensus a été établi autour de ces valeurs. Parents et professionnels ont établi des liens privilégiés qui autorisent le partage des aspects personnels de la vie de l’enfant. Au-delà du caractère très concret de l’échange des pratiques, il s’y partage des sentiments que nous pouvons qualifier de “privés”. Il n’est pas fait étalage de ces dialogues au reste du groupe, et l’intimité s’en trouve préservée.

La rencontre parents-professionnels autour du développement psychoaffectif de l’enfant crée un espace de liberté

L’intimité de l’enfant, à la lisière du rêve et de la réalité, peut se développer dans l’espace de la crèche parentale. En effet, l’enfant n’est pas soumis à l’autorité d’une seule personne : son parent, référent de l’espace privé et porteur d’une image fantasmatique de l’enfant, ou le professionnel, référent de l’espace public et porteur de l’enfant réel. _ Dans le cadre de la crèche parentale, l’un comme l’autre n’est pas tout-puissant, et partage la responsabilité de l’épanouissement de l’enfant. Ils “travaillent” à ajuster constamment leurs attitudes et cela évite que l’enfant ne soit tiraillé entre les uns et les autres à un âge où il est encore très fortement dépendant des adultes. Cela en passe nécessairement par la rencontre et le dialogue. En parler entre adultes responsables et respectueux, c’est reconnaître à l’enfant une identité, et par là-même une intimité. L’enfant bénéficie ainsi des questionnements et tâtonnements des adultes pour y développer son autonomie.

À ce stade de la relation, il importe toutefois de veiller à ce qu’il n’y ait pas confusion entre la vie privée et la vie publique afin que l’enfant puisse y investir ses passions de façon différentes.
Aussi, du fait de leur présence régulière et du rapport de confiance établi avec les adultes à qui ils confient les enfants, les parents estiment en savoir suffisamment pour ne pas questionner démesurément sur ce que vit l’enfant en leur absence.
Mais plus encore, la reconnaissance, hors de la cellule familiale, de l’individualité de l’enfant ayant une intimité propre, permet que soit réinscrit l’échange personnel dans l’espace social. Dans ce sens, le professionnel serait porteur d’une intimité qui se vit ailleurs.

En conclusion, l’intimité étant fortement liée aux expériences individuelles, elle ne conforte pas des savoirs, mais ouvre le champ des émotions et de la sensibilité. De ce point de vue, le travail sur soi doit permettre à l’autre d’être lui-même, dans la réciprocité de l’échange.
Aussi, est-il nécessaire de donner les moyens aux professionnels de réfléchir sur leur pratique de façon à ce qu’ils préservent une part de leur intimité sans nuire à l’authenticité de leur relation, et de favoriser la création d’espace de rencontre parents-professionnels dans lesquels l’enfant ne serait ni l’enjeu d’une parentalité revendiquée, ni l’objet commun des adultes. Ceci implique nécessairement le renoncement à la toute-puissance parentale tout comme à celle du professionnel-expert de la petite enfance.

Y accordons-nous la même attention que nous soyons parents ou professionnels ?
Vos réactions sur la question sont sollicitées : écrire à Cécile Imdtal-Pinelli

Cécile Imdtal-Pinelli
Responsable technique à la crèche parentale Les Gardons (Paris 12e)
Ce texte est la synthèse du mémoire écrit pour le Diplôme Universitaire de responsable de structures associatives d’accueil de jeunes enfants passé à Nanterre, dont le titre est "Place de l’intimité de l’enfant dans la relation parents-professionnels"


L’enfant ne vit pas sans tisser de liens

La question de l’accueil des jeunes enfants, de leur prise en charge dans le cadre d’un lieu d’accueil associatif qui implique aussi leurs parents aux côtés des professionnels, appelle à définir clairement pourquoi on fait certains choix et comment, ensemble, on va les appliquer.

par Marie-Claude Blanc, chargée de mission et formatrice à l’ACEPP Rhône

JPEG - 35.5 ko
Les Gardons - Paris 12e

L’expérience montre que la présence des parents est très enrichissante pour les professionnels et pour les parents. Les parents apportent souvent plein d’idées, soit en s’appuyant sur leurs propres expériences, soit parce qu’ils posent des questions et soumettent des idées naïves, au sens positif du terme, qui ont le mérite de questionner les pratiques professionnelles d’une manière ouverte et constructive. Ils apportent du vent frais, des idées auxquelles les professionnels n’auraient pas pensé…

Les parents, quand ils ont l’occasion de s’exprimer, renvoient beaucoup de reconnaissance aux professionnels quant à leur travail. Cette reconnaissance collective nourrit la motivation des professionnels, ce qui entraîne un dialogue parents professionnels. Prendre en compte les idées des parents, échanger avec eux, leur demander leur avis contribuent à valoriser leurs compétences, et valoriser les compétences des parents, c’est aussi apporter un soutien à la parentalité…


La crèche, une autre maison pour les enfants…

S’il est vrai que la qualité de la relation du nouveau-né avec l’adulte est de première importance, il est vrai aussi que dès son plus jeune âge, l’enfant est confronté à l’espace qui l’entoure : odeurs, lumière, chaleur, toucher, goût… Tous ses sens sont mis à contribution. Le lien qu’il fera entre ses perceptions sensorielles et ses expérimentations plus ou moins hasardeuses lui permettront peu à peu de ramper, attraper, jeter, marcher… En ce sens corps et espace, à travers les stimuli proposés, déterminent la richesse de ses perceptions et de ses expérimentations.

par Josiane Chabel et Didier Heintz pour Navir

L’accueil individuel du jeune enfant peut tout à fait lui fournir la richesse de cet environnement surtout dans les premiers mois de sa vie mais il ne permet pas les aménagements spécifiques car s’il est vrai que l’accueil en collectivité favorise la socialisation, il permet aussi et surtout de proposer des aménagements que l’enfant trouvera difficilement en appartement :

  • les structures de jeu où l’enfant pourra mettre en œuvre progressivement ses capacités motrices et dont toutes les explorations lui seront permises.
  • les espaces symboliques dont il pourra réinventer, seul ou à plusieurs, les significations et les sens, partageant avec d’autres et créant ainsi des jeux de relation dans l’imaginaire partagé.
  • des espaces de jeu d’eau conçus pour lui, à sa hauteur, où on ne lui dira pas : "Attention, tu vas te mouiller !"
  • les moments et les espaces privilégiés où le temps d’un conte ou d’une activité musicale, il partagera, avec enfants et adultes, la magie d’un univers de plaisir mental et sensoriel…

L’organisation spatiale et les aménagements autorisent, voire induisent, les volontés éducatives et la vie d’un groupe de parents et d’enfants : réfléchir à la notion de danger et d’autonomie, aux activités libres et dirigées, au jeu moteur, relationnel, etc.

Les diversités tant relationnelles que spatiales mises en œuvre dans l’accueil collectif offrent des possibilités d’ouverture et d’élargissement du champ éducatif familial, compléments indispensables à l’éveil de l’enfant à la vie.


Retour à la page précédente
logo ACEPP