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L’innovation sociale, c’est la tendance des années 70

Nous = Innovons !

Lorsque de jeunes parents se mirent à organiser des "collectifs enfants parents", ils y mettaient leurs aspirations, leurs valeurs, leur créativité et de leur temps, le tout tricoté au quotidien, sans référence à un modèle préétabli. Qu’avaient-ils à voir avec l’approche de la petite enfance des générations précédentes ?
- La mortalité infantile était un problème dépassé.
- Nous croyions au partage des rôles, à l’égalité entre hommes et femmes. La petite enfance n’était plus seulement une affaire de mamans, mais aussi de papas.
- Les naissances étaient désormais voulues et le jeune enfant avait acquis une personnalité, un statut à nos yeux.

Certes, étant donné que quasiment toutes les jeunes femmes souhaitaient avoir une activité professionnelle, la question "mais qui va garder l’enfant ?" se posait. Mais il n’était pas question d’abandonner son enfant à une quelconque gardienne (même si elle avaient récemment acquis le statut d’assistantes maternelles), non plus qu’à une de ces crèches "disciplinaires" où il était interdit de poser un pied parental (qui eût pu apporter de vilains microbes), où les enfants étaient revêtus des vêtements de la crèche à leur arrivée, restaient sur le pot ou au lit à heures précises, tous ensemble, etc. et où d’ailleurs il n’y avait pas de place !

On peut dire que ce qui se vivait, s’expérimentait dans ces collectifs enfants parents, on parlait alors d’"expérimentations sociales", était le produit de toutes ces mutations sociales, culturelles, répercutées au sein du couple et de son désir d’enfant.

Difficile de dire si c’est Françoise Dolto(1) qui a tellement influencé cette génération ou si elle a capté et mis sur les ondes ce qu’elle a compris des aspirations de cette génération… Toujours est-il que ces parents vivaient leurs expériences, tranquilles, entre soi.

Du côté de l’État = Innovez ! Je transforme, je réforme...

L’État (central car c’était avant la décentralisation) était prospère, tout comme l’économie et la société. Certes, le premier choc pétrolier avait provoqué quelques secousses et le spectre du chômage, depuis longtemps oublié, s’était pointé à l’horizon, mais rien ne pouvait entamer le solide optimisme de notre "société d’abondance et de prospérité". Donc, on poursuivait la modernisation et le progrès social, avec aux commandes une partie ("éclairée") de la technocratie d’État et des hommes politiques. Un mot magique : l’INNOVATION. Il y avait dans tous les ministères des lignes spéciales chargés de prospecter, d’encourager l’innovation (culture, urbanisme, social, travail, emploi…) et le cas échéant, des groupes de travail chargés de l’utiliser pour moderniser et dynamiser le secteur concerné.

C’est ainsi que, concernant le secteur de la petite enfance, étaient nés : le diplôme d’éducateur de jeunes enfants (à priori pour les jardins d’enfants : 1973), le décret redéfinissant le rôle des crèches (1974), la loi créant le métier d’assistante maternelle (1976), les crèches familiales, les haltes-garderies (1979), et on encourageait les mini-crèches encore expérimentales.

Lorsque les premiers collectifs de parents sont sortis du bois(2), pour chercher des subsides pour pouvoir payer des locaux, salarier leurs permanents, améliorer leur aménagement, ils n’ont pas eu de difficulté à se faire entendre et accueillir par la caste des "promoteurs de l’innovation" au sein de l’État.

- Ils se sont chargés de vite transformer leurs "expérimentations" en "innovation" : décision du conseil des Ministres en juillet 1980 "d’encourager les modes de garde à initiative associative".

- Dans la foulée, nos technocrates éclairés ont sortis de leur chapeau un projet de décret instituant, sans aucune concertation, les "crèches parentales". _ Mais ce décret sera bloqué sous diverses pressions, notamment des milieux professionnels : il est, pensaient les réformateurs, plus facile et rapide de produire de nouvelles réglementations que de faire évoluer les esprits et les pratiques. Cependant l’histoire prouve qu’il n’en n’est rien...

- Une circulaire, revue et corrigée a suivi le projet de décret, sans suite également, puis une note de service provisoire valable(3) pour un an. Et c’est ce petit texte sans valeur règlementaire officielle qui a, bon an mal an, servi jusqu’à la publication du décret d’août 2000. Il a fallu dix-huit ans et quatre ou cinq projets avortés pour faire aboutir la refonte complète du texte d’ensemble sur l’accueil : entre temps, les mentalités avaient pu évoluer, les pratiques et la situation sur le terrain aussi et donc le décret aboutir.

Néanmoins, dès 1980, l’État reconnaissait :
- Non pas les collectifs enfants parents mais les crèches parentales,
- La place des parents : leur participation à l’accueil et la responsabilité partagée association/responsable technique,
- Les petites structures de proximité (les crèches avaient alors jusqu’à cent-vingt places),
- Une rupture avec l’hygiénisme en admettant un suivi médical et des règles plus souples.

(1) Françoise Dolto (1908-1988), est une pédiatre et psychanalyste française. Elle s’est largement consacrée à la psychanalyse dont elle est une des pionnières.
(2) Solange Passaris, La participation parentale dans les modes d’accueil de la petite enfance. 2. Le mouvement des crèches parentales et ses rapports aux institutions ; Paris, Ecole des hautes études en sciences sociales, 1984.
(3) Note de service D.G.S.H – D.A.S du 24 août 1981. Objet "formules innovantes de modes de garde".

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Le souffle des années 80

L’État prend l’initiative : une politique de la petite enfance

C’était la première fois qu’on affichait une volonté et une politique spécifiques pour la petite enfance avec le rapport Bouyala-Rousille : "L’Enfant dans la vie" (4), publié en 1982, suite à de nombreuses consultations et concertations.

L’ACEP y retrouve sa démarche dans de nombreuses orientations et recommandations du rapport :

- La notion de citoyenneté de l’enfant ;
- Le rôle de la famille considérée comme "pierre angulaire de la politique de la petite enfance" : il faut "renforcer (les parents) dans leur capacité à accueillir et accompagner l’enfant" ;
- Une politique de décloisonnement et d’ouverture où "l’enfant ne doit pas être enfermé, mais pouvoir circuler, communiquer" et où les parents doivent pouvoir être "associés, introduits" ;
- La participation des parents dans les crèches (une circulaire sera publiée en 1983)(5) ;
- L’aspect qualitatif des structures d’accueil qui doivent être "des lieux de vie et de développement pour l’enfant : c’est autour de ses besoins et de ses possibilités que doit être organisé son accueil (…) Où que ce soit, les soucis de son éveil, de sa socialisation, de son éducation, de sa culture doivent être présents mais aussi la dimension du corps, du plaisir, de l’affectivité sans qu’aucune hiérarchie soit faite entre ces différents langages…" ;
- L’importance des solidarités de voisinage ;
- La recommandation de créer des équipements de petite taille ou légers et polyvalents.

Bref, une révolution des mœurs en place dans le secteur !

(4) Nicole Bouyala, Bernadette Rousille, L’Enfant dans la vie : une politique pour la petite enfance, Rapport au secrétaire d’État à la Famille, Paris, La Documentation française, 1982.
(5) Participation des parents à la vie quotidienne des crèches.
(6) Libération, janvier 1983.

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En avant l’ACEPP. En avant les crèches parentales !

Les politiques ne croient guère en l’avenir des crèches parentales : ce sont "cas exemplaires mais exceptionnels, ceux de minorités privilégiées".

Elles ont néanmoins obtenu du gouvernement et de la CNAF, le versement de prestations de service et d’être prises en compte dans les contrats crèches. Elles se battent désormais pour une reconnaissance et un appui, côté municipalités.

Et puis, envers et contre tout, les crèches parentales poussent :
- Une vingtaine étaient identifiées en 1981 ;
- En juin 1983, l’ACEP en recense quatre-vingt sept et soixante-dix neuf projets. Il faut dire que les médias s’y intéressent : pour les seuls médias nationaux, presse, radio, TV on recense soixante-trois parutions pour la même période, avec souvent promotion du mode d’emploi : "créer une crèche parentale"(6) ;
- En 1988, on comptera près de six cents crèches.

Les crèches parentales ont offert un "débouché" aux éducateurs de jeunes enfants (EJE) qui ne pouvaient prétendre à la direction que dans ce type d’établissements. C’était l’une des raisons "fortes" de l’opposition des puéricultrices aux projets de décret successifs : protéger leur monopole.

Cela étant, parents et éducateurs de jeunes enfants se sont retrouvés sur une approche de l’enfant et de la vie en crèche parentale. Depuis, ils font route ensemble : qui dit projet éducatif, veut des professionnels compétents sur le sujet ! D’ailleurs, comme il en manquait, l’ACEPP a, la première, mené des contrats insertion-qualification menant des jeunes en emplois aidés dans les crèches, non bacheliers, au diplôme d’éducateurs de jeunes enfants.

Et surtout, c’est la coopération parents-professionnels qui est le socle de la qualité de l’accueil en crèches parentale, le parent étant reconnu comme "premier éducateur de l’enfant" : une première Charte pour l’accueil de l’enfant est adoptée en 1989 ; puis une seconde en 1993. Ce texte, toujours en vigueur au sein de l’ACEPP, a été largement diffusé et a inspiré et inspire toujours nombre de professionnels de la petite enfance.

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L’ACEPP innove : des crèches à la campagne !?

L’une des particularités de l’essor des crèches parentales est qu’elles se répandent partout en France et notamment en milieu rural, alors que l’origine du mouvement était liée à Paris.

Mais ce n’était pas facile ! Les élus du milieu rural étaient, par définition, non réceptif à l’accueil collectif des jeunes enfants et la configuration des territoires trop complexe pour qu’on s’y intéressât en ces temps de désertification des campagnes, où se posait surtout la problématique "personnes âgées".

Et l’État ? La question "rurale", spécialité du ministère de l’Agriculture et de lui seul, était ignorée dans les milieux de l’administration sociale parisienne.

Alors, l’ACEPP a réfléchi... : "pour éviter la désertification des campagnes, il faut maintenir et attirer des jeunes ménages, améliorer la qualité de vie des familles et de leurs enfants, et il faut, entre autres, des crèches... Et comme les communes sont petites, il faut faire de l’intercommunalité... et c’est comme ça que les "initiatives locales parentales" sont devenues un axe de "développement rural"

Des crèches à la campagne... des initiatives parentales... l’État arrive

Grâce à ce type d’approche et au travail sur le terrain, avec le soutien et la complicité de certains "bureaux" du Ministère de l’agriculture et des affaires sociales, l’interface s’est faite entre le social et le rural pour ce qui est de la petite enfance. Puis, est venu l’appui de la Mutualité sociale agricole (MSA) ainsi que de divers programmes européens et les initiatives ont poussé.
Aujourd’hui, la MSA est partie prenante aux côtés de la CNAF pour l’accueil de la petite enfance et elle mène ses programmes d’appui au développement.

C’est en milieu rural que s’est inventé et développé le "multiaccueil" puisque la même petite structure devait bien répondre aux besoins divers des familles : le multiaccueil est maintenant devenu la norme !

Les structures parentales rurales ont dû, le plus souvent, parce que la taille de la commune d’implantation du projet était trop petite, réinventer à leur manière, l’intercommunalité, qui, plus tard a été encouragée par les contrats enfance. L’accueil de la petite enfance est aujourd’hui devenu une compétence optionnelle, mais officielle, pour les communautés de communes et il y a un travail très intéressant qui se fait dans la dynamique de l’ACEPP dans ce contexte.

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Aborder la question sociale par la petite enfance

Du côté de l’État

La spirale de la crise économique et du chômage s’est incrustée, petit à petit mais sûrement, dans le paysage, dès le début des années 80… et continue toujours de s’amplifier.

En même temps, l’un des mythes du progrès social "un logement doté du confort moderne pour tous", qui avait permis de résoudre rapidement la terrible crise du logement des années d’après guerre, avait abouti à des quartiers excentrés, sans attrait, qui ont vite été abandonnés par les classes moyennes : ils ont subrepticement reproduit les ghettos américains tant décriés par le modèle français de l’intégration républicaine.

Dès le début des années 80, s’est inventée une politique spécifique pour tenter de redresser la barre dans ces quartiers d’habitat social qui cumulaient : dégradation d’un habitat construit trop vite et à bas coût, dégradation sociale dû à la montée du chômage et de la paupérisation, concentration de populations socialement fragilisées et notamment issues de l’immigration. Bien sûr, le problème de l’échec scolaire pointait, alors qu’on mettait la gomme sur la réussite scolaire (objectif : 100 % de bacheliers).

Du côté pouvoirs publics

On avait mis l’accent sur l’école maternelle à deux ans dans ces quartiers pour faciliter les apprentissages précoces. La Protection maternelle infantile (PMI) innovait en faisant animer les salles d’attente de consultation PMI par des éducateurs de jeunes enfants et on valorisait les cultures d’origine, par exemple, avec des séances musicales (avec l’association Enfance et Musique, notamment).
Et puis, c’est là que se développèrent les "lieux d’accueil enfants-parents", inspirés au départ des "Maisons vertes" de Françoise Dolto.

L’ACEPP relève le défi

Un programme expérimental "interculturel" dans les quartiers d’habitat social a été lancé en 1986, grâce au soutien d’une fondation hollandaise, Bernard van Leer : l’émancipation des femmes, le développement des jeunes enfants, l’échange et la compréhension entre cultures diverses… et la capacité de parents de ces quartiers dits "défavorisés" à prendre en mains une association, à participer au "développement social local".

Mais à partir de 1995, l’enjeu s’élargit : c’est dans toutes les crèches du réseau et au-delà qu’il faut introduire une démarche d’"ouverture à tous", c’est à dire à la diversité culturelle des familles tant sociale qu’ethnique. Au niveau des crèches c’est le "projet social" qui est lancé et promu dans le réseau ACEPP dès 1997.

Comme il s’agit d’un enjeu politique, de lutte contre les discriminations par des moyens concrets, à partir de la petite enfance, le travail, les actions et réalisations sont nombreuses et l’impact s’étendra au-delà du contexte français, via un réseau européen, le DECET(7).

Mais pour ce qui est de la France, l’ACEPP a été accompagnée par les institutions qui, par nature étaient concernés par cette problématique et se sont intéressées, plus ou moins selon les périodes, à ce programme de l’ACEPP : le FAS (devenu ACSE), la CNAF, la DIV et le Ministère de la Solidarité. Et bien évidemment, c’est aussi au niveau local que les partenaires ont été sensibilisés à cette démarche, via les projets locaux mais aussi dans le cadre du programme d’accompagnement-formation dit "3P", parents-professionnels-partenaires.

(7) DECET (Diversity in Early Childhood Education and Training) : Tous les enfants et les adultes ont le droit d’évoluer et de se développer dans un contexte qui offre équité et respect de la diversité.

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L’éveil culturel et artistique du jeune enfant

Eh oui, ce fut dans les années 80 et 90, un fourmillement d’initiatives, de recherches !

Théâtre pour tout petits, musique, livres, bien sûr. À ce sujet, les crèches parentales étaient sensibilisées et faisaient de leur mieux pour offrir des activités d’éveil culturel.

Mais lorsqu’en 1989, le ministère de la Culture signa un protocole d’accord avec le ministère des Affaires sociales pour cofinancer, sur le terrain, tout projet soit de groupe artistique voulant mettre au point un module, une prestation, soit de crèche qui voulait recourir à ces prestations… alors ce fut formidable pendant les quelques années que dura cette politique de rêve…

Quand la parentalité entre officiellement dans le vocabulaire et la politique nationale

La parentalité : encore un néologisme, aceppien celui-là, qui finira par être adoubé par l’Académie française !

Ce qui est clair, c’est que le rôle éducatif du parent, l’intérêt de l’espace crèche comme lieu d’apprentissage de ce rôle, l’interaction parents-professionnels… tous ces aspects ont largement été débattus, développés, analysés, décrits… publiés dans les travaux de l’ACEPP : le terme "parentalité" en est devenu le vecteur. Et cette notion s’est diffusée au-delà.

L’ACEPP rédige et publie en 2000 un texte qui sera le socle de l’ACEPP en tant que mouvement parental "la parentalité selon l’ACEPP". Ce texte sera remplacé en 2010 par la "Charte des Initiatives parentales de l’ACEPP".

Les actions menées en milieu interculturel et dans les quartiers d’habitat social ont permis de mettre l’accent sur les "compétences parentales", pour peu qu’elles soient accompagnées, valorisées : la crèche parentale en milieu interculturel, le réseau ACEPP, ont en quelque sorte servi d’exemple type de ce qui pouvait être fait plus largement.

En 1998, la Délégation interministérielle à la Famille, nouvellement créée, promeut l’idée qu’il est essentiel de soutenir les parents dans leur rôle éducatif et que les parents peuvent être porteurs d’initiatives intéressantes si on les soutient, surtout si elles sont reliées à un réseau. "La Charte des initiatives pour l’écoute, l’appui et l’accompagnement des parents" est rédigée par un groupe de travail, puis le Réseau du même nom : REAAP est créé.

Depuis, la dynamique "mouvement parental" à l’ACEPP s’amplifie en valorisant des initiatives diversifiées, et tout particulièrement ces dernières années les "Universités populaires de parents" (UPP) : comment des parents, notamment de milieux défavorisés, peuvent mener une réflexion sur l’éducation, faire des propositions, être des diffuseurs d’idées ? Les résultats de ces UPP sont surprenants !

Du côté de l’État

Aujourd’hui, l’approche a radicalement changé pour se focaliser sur les "parents supposés défaillants" qu’il convient d’encadrer, voire de sanctionner... mais sur les terrains, selon les lieux, certains REAAP continuent un vrai travail d’accompagnement à la parentalité.

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Dialogue et concertation. Des années 80 au début des années 2000

Enfin, j’aimerais mettre l’accent sur la façon dont nous, associations, nous avons pu travailler avec les pouvoirs publics des années 80 jusqu’au début des années 2000.

On rappellera pour l’anecdote que nous, la jeune ACEPP, de 1983 à 1985, avons eu mission du ministère de l’Action sociale et de la Santé de former les médecins de PMI, et de leur expliquer qu’ils devaient quand même, malgré leurs préjugés, accepter d’agréer ce nouveau mode de garde : les crèches parentales. Le dialogue fut riche et constructif, mais parfois difficile !

On ne recensera pas tous les groupes de travail formels ou informels auxquels l’ACEPP a été associée dans les différentes instances ministérielles, interassociatives ou de l’économie sociale : sa compétence et ses apports y ont toujours été appréciés. On constatera seulement que c’est au-travers de telles instances (qui certes consomment du temps) que se transmettent et se fertilisent les idées, les expériences et que germent les réformes, les projets nouveaux… Ainsi, le travail sur le projet de décret d’août 2000 a-t-il été exemplaire et l’ACEPP y a pris une bonne part !

L’une des initiatives de l’ACEPP qui a eu des répercussions importantes sur la politique nationale est le "comité partenarial petite enfance et intégration"(8), qui a réuni en 1998 et 1999, tant les partenaires nationaux que des partenaires locaux, des associations, des professionnels de la petite enfance. Son succès tient au contenu du travail exploratoire préalable présenté en introduction, aux témoignages concrets relatant des réalisations intéressantes mais aussi les difficultés rencontrées, aux débats ouverts entre tous sans contrainte ni autocensure "institutionnelle", du fait du statut même de ce comité.

Le décret d’août 2000, les réformes des financements CNAF

L’influence directe des préconisations du comité partenarial se retrouve notamment dans le décret d’août 2000 :
- l’intitulé même "établissements et services d’accueil de jeunes enfants", qui stipule l’accueil de tous les enfants et de toutes les familles (y inclus les enfants porteurs d’un handicap ou d’une maladie chronique) ;
- la notion d’"accueil des parents" qui doit être favorisé ;
- l’introduction du "projet éducatif et social" ;
- la souplesse des modalités d’accueil avec le multiaccueil qui supprime la différence entre accueil collectif et halte-garderie, permet l’accueil d’urgence, ainsi que l’accueil périscolaire pour les enfants de maternelle).

L’influence des préconisations du comité partenarial se retrouve aussi dans les réformes des financements CNAF :
- la compensation par les CAF du moindre coût payé par les familles à faibles revenus, avec la PSU ;
- le financement CAF de l’accueil au même tarif qu’il soit plein temps, partiel ou occasionnel ;
- le financement au-delà du troisième anniversaire de l’enfant c’est à dire jusqu’à son entrée à l’école maternelle.

(8) En 1998 et 1999.

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Le "nouveau style" de la période récente

En fait, on change d’époque et de "culture". Et ceci a commencé subrepticement depuis qu’en 2004, le gouvernement a fait passer, de force contre l’avis de la CNAF et de nombreux partenaires, le droit d’accès aux prestations de service pour les entreprises d’accueil petite enfance à but lucratif.

Petit à petit, le secteur de l’accueil des jeunes enfants, qui avait été chouchouté (comme on le fait pour un petit enfant) par tous ceux qui y avaient un rôle à un titre ou un autre, pour l’améliorer, pour en faire en même temps un vecteur d’autonomisation et d’éveil culturel du jeune enfant, d’accompagnement parental, d’intégration, etc. se retrouve un quelconque ensemble de services.

La nouvelle logique est de démultiplier les services "de garde" pour répondre à la demande. En conséquence, on connaît bien les mécanismes du marché :
- diminuer les contraintes réglementaires qui alourdissent les prix de revient : souvenons-nous du récent projet de décret auquel nous avons échappé et les assistantes maternelles avec quatre enfants qui se regroupent dans un quelconque local !
- faire jouer la concurrence : le critère de choix est bien sûr celui du meilleur prix offert sur le marché, par les prestataires, aux donneurs d’ordre (pas aux "clients" puisque pour l’heure encore le "prix clients" est encore soumis aux barèmes des CAF).

Les savoirs et les objectifs de ceux qui ont porté, depuis de nombreuses années, l’accueil de la petite enfance au niveau d’enjeu de société, comme l’ACEPP, sont obsolètes : plus besoin d’eux ni de les consulter. C’est de "garde" qu’il est aujourd’hui question. C’est du chiffre qu’il faut faire ! (Cf. : promesse du Président de la République, rapport Tabarot)
Bon, on n’en n’est pas encore tout à fait là, mais il faut veiller !

Alors les bébés, réveillez-vous ! C’est vous qui êtes concernés ! Vous ne voulez quand même pas être gardés dans des parcs à moutons !

FIN

par Solange PASSARIS, cofondatrice et membre d’honneur de l’ACEPP
(texte paru dans La Gazette de l’Acepp n°94-95 - décembre 2009)

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