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"Association de parents" rime avec économie sociale et solidaire

La Gazette a questionné Danièle Demoustier* (maître de conférences en sciences économiques) sur l’inscription des associations de parents du réseau ACEPP dans l’économie sociale et solidaire. Deux entités qui lui tiennent à cœur pour avoir d’une part cofondé une crèche parentale en Isère et avoir choisi d’autre part, le chemin de la recherche en économie sociale…

La Gazette : Qu’est ce qui fait que les associations de parents sont dans le champ de l’économie sociale et solidaire ?

Danièle Demoustier : Les associations membres de l’ACEPP appartiennent totalement à l’économie sociale et solidaire car d’une part elles organisent la production de services pour répondre à des besoins sociaux collectifs (en cela elles appartiennent à l’économie) et d’autre part, elles le font de manière démocratique et solidaire.
- Elles répondent à des aspirations et à des besoins sociaux (solvables ou non), collectivement et sans discrimination, pour prendre en charge la petite enfance et l’enfance et plus encore, dans un projet de mixage social et d’interculturalité ;
- La création et la gestion par des collectifs de parents (et non par la mobilisation de capitaux) donnent le pouvoir et la responsabilité aux usagers organisés en groupements de personnes, ce qui est un exemple de démocratie économique et d’apprentissage collectif (c’est pourquoi on peut parler d’entrepreneuriat collectif) ;
- Les réserves impartageables, liées au statut associatif, garantissent le réinvestissement des excédents dans l’activité collective et non leur appropriation individuelle ;
- La solidarité s’exprime à deux niveaux : en interne, la solidarité volontaire provient de la mutualisation des compétences, des risques et des productivités (entre temps salarié et bénévole et par une hiérarchie des salaires plus écrasée que dans les entreprises lucratives) ; en externe, la solidarité obligatoire (subventions publiques) traduit la reconnaissance des missions d’intérêt général, au-delà de la réponse aux intérêts collectifs.

La Gazette : Dans le secteur de la petite enfance – qui aujourd’hui voit poindre des opérateurs privés lucratifs subventionnés par l’État- quelle est la plus-value des associations de parents ?

Danièle Demoustier : Au-delà de la spécificité des statuts traitée dans la première question, il y a une spécificité de l’activité. En effet, les statuts ne sont ni neutres ni magiques : non neutres car ils couvrent des activités spécifiques ou des manières spécifiques de les organiser ; ni magiques car ils ne garantissent pas durablement que les pratiques réelles correspondent aux principes formels. D’où l’importance pour les entreprises d’économie sociale et solidaire de revisiter régulièrement l’adéquation entre leurs discours (le projet associatif) et leurs pratiques (l’action concrète).

On peut définir l’activité des organisations d’économie sociale comme des activités sociotechniques : techniques car elles incorporent de la professionnalité qui permet d’améliorer la qualité et la productivité (par des normes de production et une certaine standardisation du service) ; mais aussi sociales car elles incorporent une forte composante relationnelle (entre enfants, entre parents, entre parents et professionnels dans le cadre de l’accueil de la petite enfance), éducative, culturelle, voire politique, qui enrichit l’activité et sans laquelle le rapport de production serait totalement anonyme et indifférencié.

C’est pourquoi, au-delà de l’apport direct de l’activité aux usagers ou bénéficiaires, ces organisations produisent ce que l’on nomme des externalités, c’est-à-dire des effets induits, non directement voulus, qui affectent l’environnement de l’organisation : soit une population plus large (les parents, les professionnels…), soit le territoire (par la création d’activités et d’emplois, par la dynamisation de la population, par des effets d’entraînement…), soit le secteur d’activité lui-même (par la diffusion de nouvelles normes ou pratiques, par leur capacité de souplesse et d’innovation…).

C’est l’ensemble de ces effets directs et indirects que l’on peut identifier à travers la notion d’utilité sociale ; il s’agit de l’utilité pour la collectivité qui dépasse le groupement de personnes et qui doit être valorisée dans les rapports avec l’opinion publique et les Pouvoirs publics, afin qu’ils prennent en compte le fait qu’il est plus efficient de rémunérer un service global à la collectivité que de séparer leurs aspects économiques et techniques des dimensions sociales.

*Auteur de l’ouvrage "L’économie sociale et solidaire", Syros - La Découverte, 2001.
in La Gazette de l’ACEPP - n°80 - janv. 1985 - page9

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